AFFI N’GUESSAN raconte l’évènement du 11 avril 2011

Le président du Front populaire ivoirien (FPI, opposition) Pascal Affi N’guessan, raconte comment il a vécu le 11 avril 2011, jour de l’arrestation de Laurent Gbagbo et de plusieurs cadres du FPI.

« Là où j’étais caché, toutes les radios m’appelaient juste après l’arrestation du Président Laurent GBAGBO pour demander mon point de vue. Ce que je leur disais, c’est que c’est un coup d’État qu’on vient de faire à Gbagbo.
Je ne pouvais pas me taire. J’étais en contact avec tous ceux qui sont allés en exil, Koffi Koffi Lazare et bien d’autres, le chemin qu’ils prenaient, combien ça coûte, ils m’expliquaient pour qu’éventuellement, si moi aussi je voulais fuir je sache par où passer.
J’ai dit « non !» je ne bouge pas je suis le président du FPI, je ne suis pas n’importe quel militant. Il ne faut pas qu’il soit dit que le président du FPI a fui. Les autres cadres peuvent se mettent à l’abri, mais moi le président je suis comme un capitaine. Je veux couler avec le bateau. Je ne veux pas qu’un jour on dise que quand il y a eu la crise et qu’on cherchait les responsables du parti , le président a fui. Donc je suis là je ne bouge pas.
C’était l’insécurité totale. J’ai quitté chez moi. Koné Zakaria avait pris ma maison. J’étais caché chez des amis. Des avions circulaient au-dessus de la maison. Un moment j’ai dit que comme les gens fouillent le quartier, maison par maison, si je reste assez longtemps à un seul endroit les amis qui sont là ont des personnels de maison, et comme on ne pas qui est qui, quelqu’un pourrait dénoncer ma présence en ce lieu. Et les Frci pourraient venir m’attraper. il faut que je bouge..

Mon ami Alcide Djédjé (Ex ministre des affaires étrangères sous Gbagbo) m’a appelé pour me dire qu’il s’est réfugié dans les bureaux de l’Onuci. Mais qu’il était impossible d’y héberger tout le monde, mais que l’onuci était en train de demander l’autorisation de New York afin de trouver un coin sécurisé pour mettre à l’abri les Pro-Gbagbo en difficulté Et le lendemain il m’a appelé pour me dire que les gens de l’Onuci ont appelé leurs patrons qui leurs ont donné un accord pour qu’il leur donne l’Hôtel La Nouvelle Pergola. Je me suis débrouillé avec Marie-Odette Lorougnon. Elle est venue me rencontrer au carrefour Palmeraie. C’est là qu’on a pris le même véhicule pour rejoindre la Nouvelle pergola.
Après un moment, j’ai vu Mamadou Koulibaly Président de l’assemblée Nationale deuxième personnage du pouvoir au Golf Hôtel rencontrer Ouattara.
Après c’est Yao N’dré (Pdt du Conseil Constitutionnel) que je vois rencontrer Ouattara.
Je les ai appelés et je leur ai dit :
« Qu’est-ce que vous faites là-bas ? Koulibaly pourquoi invites-tu Ouattara à l’Assemblée nationale pour légitimer son pouvoir ? Tu invites Ouattara alors que Simone Gbagbo est arrêtée et que nos députés sont éparpillés. Pourquoi voulez-vous dérouler le tapis rouge sous les pieds de Ouattara ? Vous deux vous êtes nos dernières cartouches. C’est vrai que Ouattara a pris les fusils pour prendre le pouvoir, mais au plan des institutions vous deux pouvez jouer un rôle très important pour qu’on ne soit totalement écrasé. Mais pour cela il va falloir qu’on travaille ensemble, que chacun ne fasse pas les choses individuellement. Il faut qu’on soit ensemble et qu’on fasse en sorte pour obliger Ouattara à négocier et que dans les négociations il libère Gbagbo et tous ceux qu’il a arrêtés. Et puis après on pourra voir ce qu’on peut faire »

Et c’est comme ça que j’ai décidé de faire une conférence de presse pour que les militants ne croient pas que c’est au nom du FPI que Mamadou Koulibaly et Yao N’dré sont partis au Golf Hotel. C’est ce que mon devoir me commandait de faire en tant Pdt du parti.
Et c’est comme ca les rebelles sont venues casser la porte de ma chambre pour m’attraper, me malmener et me conduire au Golf Hôtel.
Deux jours après, le Lundi de Pâques ils sont venus nous ramasser. On ne savait pas où on nous envoyait. Il y en a parmi nous qui disaient qu’on va peut-être nous libérer maintenant. D’autres disaient que la manière ils sont en train s’équiper avec des RPG et autres armes de guerre, c’est peut-être pour aller nous tuer.
On a pris la direction de l’autoroute du Nord. C’était la première fois qu’on sortait et la ville d’Abidjan était méconnaissable. Il régnait un calme plat. Quand on a pris l’autoroute du Nord, même les oiseaux ne chantaient pas. Il n’y avait aucun bruit. On aurait dit que la nature était elle aussi traumatisée. On arrive à Attingué, les rebelles garent les véhicules.
Michel Gbagbo qui était avec moi me dit « Président, c’est ici qu’ils vont nous tuer ».
Et après un temps ils nous demandent de remonter dans les camions. On roule jusqu’à Toumodi, on atteint ensuite Yamoussoukro ou ils prennent du Carburant. On rebrousse chemin jusqu’à Toumodi et on prend la route de Dimbokro, c’est seulement à Bonanhouin à travers leurs conversations qu’on va comprendre que c’est à Bouna qu’o nous conduit. On est arrivé à Bouna à 4H du matin pour nous jeter dans une prison désaffectée sous la surveillance des rebelles. Il y a en un CHIKITO (paix à son âme), il est mort, il n’y a pas longtemps, un gars qui se drogue et qui se saoule tout le temps. Quand il arrive dans la prison, vous ne savez pas ce qui va vous arriver.


Par Reyel Kan

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